SILEX... DU NOUVEAU! (1)

Publié le par sciences-et-idees

Quelques beaux silex trouvés à Vigny (Val d’Oise) au gisement du Bois des Roches (stratotype du Danien avec Faxe et Laversine) montrent de curieuses structures qui ne peuvent être interprétées qu’en les supposant issus de nodules mous reposant sur le fond de la mer crétacée. Ces nodules ont été soumis à de forts mouvements (houle et tempêtes). Et surtout, fait remarquable, les rides et écoulements visibles sur leur surface ont été figées et conservées sans qu’il ait eu, par la suite (soit sur plus de 66 millions d’années), aucun enrichissement en silice (le silex n’a pas augmenté de taille par exemple). Ce durcissement a été quasi instantané!

Ces observations contredisent toutes les théories en vigueur sur la genèse des silex…

Cet article est le premier d’une série de trois…

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1 - QUELQUES TYPES D'ACCIDENTS SILICEUX.

 

Voici d’abord quelques définitions se rapportant aux formes de la silice observées à Vigny (craies campaniennes, maastrichtiennes et calcaires récifaux daniens).


Accident siliceux (fig. 1): cette locution désigne ici les zones silicifiées biochimiquement ou chimiquement qui sont contenues dans le sédiment carbonaté (craie crétacée ou calcaire danien) et qui apparaissent en leur sein sous forme de rognons ou d’amas (ENRS, 1961, p 21).

Figure 1 Accident siliceux danien

Figure 1. - Accident siliceux dans les assises daniennes de Vigny.

 

 

Silex (fig. 2) : concrétions siliceuses des roches boueuses fines à coccolitophoridés (ordinairement la craie crétacée mais des silex sont aussi connus dans des calcaires du Jurassique supérieur).

Je préfère utiliser le terme « cortex » (Jung, 1963) à celui de « patine » (Cayeux, 1929) pour désigner la « croûte » silicifiée blanche qui circonscrit le cœur du silex. Son épaisseur est variable. Le cortex a un aspect porcelané ou terreux ; sa texture est fine ou grenue et il est nettement limité extérieurement : il se détache facilement du sédiment encaissant. Le terme proposé par Cayeux prête, à mon avis, à confusion car il suggère une usure, ou une évolution superficielle réalisée sur une longue période. Quoiqu’il en soit, le cortex est constitué de calcédonite granulaire poreuse. Les micrites carbonatées sont très peu abondantes au niveau du cortex et elles disparaissent totalement à l’intérieur du silex. A noter que la teinte blanche de la croûte corticale est liée d’abord à une porosité importante, non à une teneur en micrites crayeuses.

La partie interne compacte constitue le « cœur » du silex. De teinte variable : noir (silice pure), brun, rouille (présence d’oxyde de fer), jaune. Le cœur du silex, dense, est constitué de silice presque pure, de calcédonite (Millot, 1964). Il se fragmente en cassures lisses, conchoïdales à bords translucides. Son éclat est vitreux.

Figure 2 Silex (cornu) campanien de Vigny

Figure 2. - Silex (cornu) campanien de Vigny.

 

Silex « cornu » (fig. 2): rognons de silex d’aspect irrégulier dont le cortex est lisse. Ils s’organisent en « bancs », c’est-à-dire en alignements discontinus plus ou moins compatibles avec la stratification du sédiment encaissant. Le cortex est blanc grenu à terreux. Il est rarement teinté par les oxydes de fer… Le cœur est noir à brun plus ou moins taché… Ces silex sont peu fragiles.

Remarque : l’expression « craie à silex cornus » ne devrait être employée que pour la craie du Turonien supérieur (Synth. géol. bass. Paris ; mém. 103 ; p 234).

 

Silex « boudinés » : ils constituent une nouvelle catégorie de silex. Leur forme rappelle celle des silex mélinites de Cayeux. Les silex de Vigny, denses et lourds, se sont formés en milieu marin, les silex mélinites, très légers, sont caractéristiques des milieux lagunaires. Le cortex présente des rides arrondies (qui caractérisent cette nouvelle catégorie). Sa surface onduleuse, d’aspect « fluide », lisse, est marquée par des arrachements, des stries, des craquelures, des fentes… Ces silex emballent des clastes qui font saillies et qui leur donnent souvent un aspect hérissé. Le cœur de ces silex est gris à caramel, taché et zonaire. Ces silex sont fragiles.

Figure 3 Silex 'boudiné' maastrichtien de Vigny

Figure 3. - Silex « boudiné » maastrichtien de Vigny.

 

 

Silex « inachevés » (Cayeux, 1929) (fig 4): ils sont, à Vigny, un peu particuliers. Leur aspect nodulaire rognoneux ou cylindrique épouse la forme des bioturbations. Ils ne montrent pas de cortex différencié. Leur cœur dense, blanc à noir, est incomplètement silicifié. Parfois les silex inachevés ont un cœur poudreux (d’aspect crayeux).

Figure 4 Silex 'inachevé' campanien de Vigny

Figure 4. - Silex « inachevé » campanien de Vigny.

 

Silex « cariés » (Cayeux, 1929) (fig 5): l’ensemble du silex est rongé, creusé de galeries esquilleuses très irrégulières. Souvent seule la zone corticale du silex d’origine est préservée (silex « évidés »).

Figure 5 Silex 'carié' maastrichtien de Vigny

Figure 5. - Silex « carié » du maastrichtien de Vigny.

 

Amas diffus de silice (fig 6): on les observe dans les conglomérats à galets de silex et dans les calcaires bioclastiques inférieurs du danien. La limite de silicification est imprécise et elle « imprègne » le sédiment encaissant. Les bioclastes sont plus ou moins silicifiés et le phénomène peut même faire entièrement disparaître leur structure par métasomatose (sensu Goldschmith, 1922). Ce type d’accident siliceux s’apparente aux chailles.

Figure 6 Amas diffus de silice dans le danien de Vigny

Figure 6. - Amas diffus de silice dans le danien de Vigny.

 

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2 - LES SILEX « BOUDINES »

 

J’ai qualifié cette nouvelle catégorie de « boudinée » en raison de la forme arrondie allongée que prennent parfois les nodules siliceux. Le premier exemplaire de l’espèce nouvelle de silex, trouvé lors d’anciennes récoltes, avait d’ailleurs cette forme (fig. 7).

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Figure 7. – Aspect « boudiné » de la nouvelle catégorie de silex…

 

Les silex boudinés pourraient ressembler, par l’allure des bourrelets contournés qu’ils montrent, aux silex ménilites (fig. 8) connus depuis fort longtemps dans la littérature scientifique (Cuvier, Cayeux). Mais les ménilites, très légers, sont caractéristiques des milieux lagunaires (on les trouve dans des formations ludiennes).

Cependant cette ressemblance n’est pas le fait du hasard… On verra que la genèse des uns possède quelque accointance avec les autres !

(La morphologie, dans la nature, n’est jamais livrée aux caprices des jeux aléatoires… Même si l’on est, nous, incapable de les appréhender… Le hasard est seulement humain : il peut décider de la place d’un individu dans la société par la roulette de la naissance… Le hasard n’est pas un paramètre naturel !)

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Figure 8. – Silex ménilite (Parc des Beaumonts – Montreuil)


L’allure générale de ces nodules pourrait rappeler l’aspect des silex boudinés… Ils en diffèrent par l’absence totale des lithoclastes et par un apport ultérieur, tardif, de silice… La ressemblance morphologique est à rechercher dans la réalisation d’une structure fluide précédant un durcissement rapide… Mais pour ce qui concerne les ménilites celui-ci s’est réalisé « passivement » sous la tranche superficielle des sédiments sans que les nodules ne soient déplacés sur le substratum…

Quoiqu’il en soit, nos silex boudinés se caractérisent au premier abord par une allure que je qualifierai « d’échevelée»

Figure 8

Figure 9 : L’esthétique bien particulière des silex boudinés...

 

Ces aspect est dû aux nombreux graviers, copeaux, fragments, que nous nommeront ici « lithoclastes » et qui hérissent parfois la surface de ces silex (l’échantillon référence présente ce caractère). Le cortex est, lui, pourvu de rides arrondies, de bourrelets. Cette surface onduleuse, d’aspect « fluide », lisse, est aussi marquée par des arrachements, des stries, des craquelures, des fentes…

Le cœur de ces silex est gris à caramel, taché et zonaire.

A noter qu’il existe aussi une catégorie de silex dits « zonaires » (décrits par Cayeux en 1929)… Mais leur surface corticale, leur taille et bien d’autres caractères sont tellement dissemblables qu’il est difficile d’apparier les deux catégories de silex… 

Figure 10

Figure 10 : Un silex zonaire du Coniacien des environs d’Etretat.

 

Le matériel étudié, pour la description des silex boudinés ,consiste en 60 exemplaires, fragments et sections polies de la nouvelle variété de silex (soit plus d’un quintal dûment transporté à dos d’homme!). Auxquels s’ajoutent 5 lames minces.

Tous les silex boudinés ont été trouvés dans la craie à bryozoaires de Vigny datée du campanien terminal/maastrichtien inférieur.

(Je donnerai ultérieurement une description des craies et calcaires du gisement stratotypique de Vigny).

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3 - DESCRIPTION DE L'ECHANTILLON REFERENCE h-20 89-1.


Il a été trouvé dans les déblais de la craie à bryozoaires maastrichtienne.

Sa polarité n’est donc pas déductible. Taille de l’échantillon : 19 cm dans sa plus grande dimension. Ce silex boudiné massif se creuse d’une large et profonde cavité. Il donne l’impression d’un nodule qui aurait été déformé, replié, tordu (fig. 11).

  Figure 7 d

Figure 11 - Aspect général de l’échantillon.

1 – Grand lithoclaste plat. 2 – Lithoclaste brisé et ménisque tordu. 3 – Ejection en auréole. 4 – Abrasion et cachetage d’une « déchirure ». 5 – Fracture et « déchirure ». 6 – Fractures. 7 – Petite éponge (Porosphaera). 8 – Ménisque. 9 – Cannelure rectiligne. 10 – Rides et enfoncement.


Le coeur du silex est gris. On y observe des auréoles discrètes un peu plus foncées, quelques taches circulaires et ponctuations claires (fig. 12). Sous un grossissement X 100 on constate que les spicules et les foraminifères sont rares, dispersés. A l’approche du cortex, dans la partie la plus externe du coeur du silex, les bioclastes sont nombreux et identifiables (fragments de bryozoaires et spicules monaxones).

Figure 12 b

Figure 12 – Section. Cortex mince, cœur gris clair et auréoles…

 

Le cortex est variable en épaisseur (0,5 à 6,5 mm). D’aspect blanc mat taché de rouille, il est, sur cet échantillon, lisse. En coupe, sa limite est nette et elle est soulignée au contact avec le cœur du silex par un liseré foncé (fig. 12).

La texture du cortex des silex boudinés est homogène et dense. Les fossiles qu’on y observe sont assez nombreux et de petite taille. Quelques bioclastes sont plus ou moins ennoyés dans la surface corticale: deux petits spongiaires (Porosphaera), quelques articles de crinoïdes… Sous un grossissement moyen (X 15), on aperçoit des fragments de bryozoaires, de brachiopodes ainsi que des foraminifères et des spicules d’éponge. A noter que seuls les organismes sphériques ou arrondis n'ont pas été brisés. Des bourrelets arrondis, repliés, contournés, sont visibles sur toute la surface corticale. Ils constituent l’élément diagnostique principal de cette nouvelle catégorie de silex (fig. 14).

Figure 13 f

Figure 13. – Lithoclastes (L) et figures « molles »

Bourrelets (B), rides (R), étirements (E), torsions (T), frottements (F) et impacts (i). On notera la densité de ces figures… sur un silex de taille moyenne !

 

De nombreux lithoclastes (fig. 13) font saillie sur la surface du cortex. Ils caractérisent aussi les silex boudinés. Leur surface rugueuse diffère de l’aspect lisse des bourrelets corticaux lisses.

 Figure 14 a

Figure 14. – Toute la surface du silex est marquée de bourrelets arrondis.

 

On y observe aussi des rainures profondes et sinueuses, de petites cavités, de cupules. Les fossiles sont peu nombreux (prismes d’inocérames, rares spicules monaxones, quelques foraminifères). En s’enfoncant dans la masse du silex les lithoclastes (intraclastes) prennent l’aspect de taches foncés (fig. 12). Outre les nombreux lithoclastes des indices, visibles sur la surface corticale de l’échantillon, prouvent le comportement en « pâte épaisse et gluante » du matériau à l’origine du silex.

 

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4 - PRINCIPALES FIGURES DE FLUIDITE SUR L'ECHANTILLON 20 89-1.


- Cortex étiré en ménisque tordu sous un lithoclaste brisé dont les deux fragments sont restés côte à côte (fig. 15). 

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Figure 15. – Ménisque tordu sous un lithoclaste brisé.

Un petit caillou (A) a été pris par une de ses extrémités dans la masse pâteuse de ce qui deviendra, par la suite, un… silex! L’ensemble était alors soumis à de fortes contraintes… Le petit caillou s’est brisé (C). Il y a eu étirement, torsion et durcissement de la pâte générant le ménisque torsadé (B). Et enfin déchirure à la base de ce dernier. (D).

 

Ordre des évènements qui ont concouru à sa mise en place :

1 - Encollage du lithoclaste (en fait une partie déjà durcie de la surface nodulaire)

2 - Étirement, rupture et torsion : formation du ménisque avec ses plis de torsion et soulèvement simultané d’un copeau de la croûte nodulaire déformé (comportement souple, fig. 16 C). Simultanément le lithoclaste se brise…

3 - Durcissement quasi-immédiat de la structure ainsi formée comme en témoignent la surface lisse du ménisque sous sa partie torsadée (limite basale irrégulière indiquant un arrachement : première zone de rupture de la figure 16).

4 - Déchirure restée ouverte à la base de l’ensemble.

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Figure 16 : Le ménisque torsadé (précisions).

A – Le petit fragment crustal qui forme le lithoclaste montre une surface de rupture souple (comme celle du réglisse par exemple). B – Ménisque avec plis de torsion. C – Copeau crustal peu épais et déformé lors de l’étirement. On note son rebord arrondi sur le ménisque (il est encore souple…) et anguleux au niveau de la première zone de rupture. D – Première zone de rupture impliquant un durcissement très rapide… E – L’étirement se poursuit mais pas la torsion : surface lisse. F – Déchirure finalisant cette structure.

 

Cette torsion en étirement du ménisque a été figée, pétrifiée sensu stricto ! Le dessin des plis de torsion est conservé et la base de cette structure brisée est accompagnée d’une nouvelle « montée » de matériau souple (surface lisse basale du ménisque)…

Cela prouve que le matériau était relativement mou au moment de la formation de cette petite structure… Et qu'il constituait un nodule! Et l'on peut même postuler que son cœur était plus fluide que sa surface! Mais que cette zone superficielle restait souple! Et supputer que la viscosité de surface devait être assez proche de celle observée sur une pâte de réglisse (surface de rupture du lithoclaste, comportement du copeau crustal latéral)! Et, enfin - là il s'agit non pas d'une hypothèse mais encore d'une affirmation - le durcissement de la pâte visqueuse et collante a été extrêmement rapide (entre quelques fractions de seconde et quelques secondes) figeant toutes ces structures de fluidité comme par « un coup de baguette magique » en les gardant intactes durant les quelque 66 millions d'années qui précèdent nos regards d’Hommes! Un durcissement instantané ! Chose impensable quand il s’agit de silex ! Mais rien ne peut être « magique » lorsqu’il s’agit de science et de nature !

Nous touchons là à un point clé : quels sont les facteurs qui ont autorisé ce phénomène ?

Le milieu agité ? La chlorinité ? La composition chimique du nodule lui-même ? Le pH ? La combinaison de ces critères physico-chimiques? Probablement !!!

Ce sera l’objet de la dernière partie de cette étude.

Remarquons enfin que le nodule durci n’a subit et à l’échelle géologique (donc sur les millions d’années ultérieures !) aucune modification dans sa forme : pas d’augmentation de son volume par un apport tardif de silice… Rien ! Dans sa forme certes… Mais dans sa structure ?

 

- Petit lithoclaste ayant glissé sur la surface du nodule encore mou (fig 17- 1). On observe à l’arrière de celui-ci une sorte de cupule allongée aux bords relevés: est-ce une figure de rebond ? Qu’importe d’ailleurs ! Cette dernière prouve le comportement visqueux, assez épais de la zone nodulaire superficielle. La pâte a été déformée mais n’a pu se refermer.

- Auréole résiduelle liée à l’éjection d’un petit gravier (un copeau durci de la croûte nodulaire encore souple) (fig. 17-2). Il y a formation d’un ménisque à base très large circonscrit par des bourrelets arrondis superposés qui constituent l’auréole. Cette structure implique, à nouveau, une relative fluidité du matériau à l’intérieur du nodule et un durcissement très rapide lorsqu’il est expulsé vers l’extérieur.

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Figure 17. Auréole, rebroussements et cupule...

1 – Un petit lithoclaste a été déplacé sur quelques mm… En arrière de celui-ci une belle figure de rebond est visible : une cupule aux bords relevés dont la polarité est aisément déductible… 2 – Belle auréole de bourrelets superposés. 3 – Déchirure de la surface nodulaire durcie par étirement comme en témoigne son allure très irrégulière. 4 – Articles de crinoïdes.

A : Croûte corticale ancienne… plus granuleuse, sans doute assez épaisse et peu malléable… C’est ce matériau qui constitue les lithoclastes qui hérissent la surface du silex

B : Croûte corticale plus récente. Elle recouvre la précédente et s’étend en belles figures de fluidité qui sont l’indice du comportement liquide du matériau au cœur du nodule mou… Elle a été expulsée lors de la déformation du nodule et s’est figée quasi-instantanément…

 

- Rides concentriques liées à un frottement associées à une petite surface striée (fig 18 R) qui traduisent aussi une surface nodulaire souple et un coeur plus fluide…

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Figure 18. Abrasions et rides.

A – Surfaces d’abrasion. Les bourrelets ont été entamés comme au papier de verre… Point important, on observe ces abrasions s’observent sur toutes les faces du silex. Elles ne sont pas en concordance avec le postulat d’un corps immobile ! B – Petite structure rappelant une figure en croissant (cresent mark) également visible sur les photos de la figure 12… C – On constate ici que le bourrelet recouvre, « cachète » la déchirure qui affecte la base du ménisque torsadé… Ce bourrelet est donc postérieur à la formation du ménisque ! R – Petites rides concentriques qui impliquent un comportement précis du matériau à l’origine du silex : une relative souplesse de surface et un « voile » recouvrant un cœur plus fluide (à l’image de la crème sur le lait qui bout !). T – Petit lambeau de la croûte souple nodulaire soulevé et tordu lors de la formation du ménisque torsadé…


- Traces d’abrasions (fig. 18 et 19) qui sont réparties sur toute la surface du silex et donc impliquent que le nodule d’origine a été déplacé en tous sens. Une deuxième déduction est à faire : cette agitation n’est pas le fait d’un déplacement des sédiments en masse (aucune perturbation n’affecte les assises de la craie dans laquelle on les trouve) et surtout les abrasions ne sont pas unidirectionnelles. C’est donc bien sur le fond marin que reposent les galettes molles (vendons la mêche : elles résultent d'accumulation de spongine/silice liées à l'existence sur le fond boueux de "récifs" d'éponges monactinellides!). Galettes molles qui vont être transformées en nodules pâteux, puis brusquement se figer dans leur forme définitive.! Les les abrasions indiquent toujours et encore un milieu agité…

On peut donc postuler que ces galets mous reposants sur le fond, sous une profondeur peu importante (ce qui est confirmé par les nombreux grains microperforés, les lithothamniées et le scléractiniaire Ahrdorffia repérés en L.M dans la craie à bryozaires!), ont été soumis aux effets du ressac ou des tempêtes.

 

- Deux cannelures rectilignes (fig. 19), de vraies groove marks, affectent un matériau assez résistant ayant une viscosité proche du plastique ou de la résine.

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Figure 19. Cannelures.

A – On retrouve ici deux belles surfaces d’abrasion (diachrones : A 1 est antérieure à A 2). B – Ces belles et grandes cannelures témoignent à la fois du comportement du matériau à l’origine du silex au moment de son durcissement et de la vigueur des contraintes qui l’accompagnent. Notons aussi que ces deux cannelures ne sont pas simultanées : C2 est plus tardive que C1. Ce sont de vrais groove marks qui affectent un matériau visco-plastique proche d’une résine de résineux durcie. D – Le matériau qui sera affecté par la seconde cannelure a recouvert très partiellement la première. Ce qui suggère d’abord que ces évènements se sont succédés dans un laps de temps très court et ensuite que c’est le même objet qui est à l’origine de ces figures.

 

- Déchirures zigzagantes (fig. 20), aux bords irréguliers s’atténuant en leur extrémité. On les observe sur toute la surface du silex mais surtout autour des aspérités du cortex (à la base du ménisque torsadé de la fig. 16)… Elles s’atténuent et disparaissent à chacune de leurs extrémités et ne pénètrent pas l’intérieur du silex. Parfois, elles ont été comme lissées, presque effacées, sous l’effet du frottement. L’une d’entre-elles a été recouverte, cachetée, par un bourrelet fluide… Ces déchirures sont donc syn-sédimentaires et affectent le nodule mou au début de sa courte période de durcissement. Elles témoignent du moment où cette partie durcie ne formait qu’une mince pellicule corticale (ou crustale, ne chipotons pas sur les termes!) assez résistante, le cœur du nodule restant plus fluide. Cependant, comme ces déchirures sont ici (sur cet échantillon) rarement masquées par des apports fluides plus tardifs, on en déduit à nouveau que cette phase qui fige la forme du silex a été de très courte durée (quelques fractions de seconde). Ces ruptures et déchirures impliquent aussi et encore, des contraintes importantes, un milieu agité.

Image6Figure 20. Fractures et déchirures.

1 – Déchirures très irrégulières. Elles surviennent quand la croûte nodulaire pâteuse est peu épaisse et encore souple. 2 – Les déchirures s’atténuent à chacune de leurs extrémités… 3 – Les fractures surviennent au moment où le durcissement de surface est presque complet… Elles « jouent » en micro-failles… 4 – Les fractures s’atténuent que sur une extrémité… et profondeur dans le cœur du silex…

 

- Fentes (ou fractures) rectilignes (Fig. 20), ouvertes ou ayant jouées en rejet. Elles sont moins nombreuses que les déchirures. Plus ou moins larges, elles s’atténuent en surface sur une seule de leurs extrémités. Elles pénètrent le cœur du silex sur 1 ou 2 cm… Elles impliquent que le nodule, bien que n’étant pas entièrement durci, donc déformable, possédaient une croûte épaisse et rigidifiée.

La photo de la fig. 20 (bas, à gauche) montre une fracture ayant jouée en rejet s’atténuant en 4. A noter que celle-ci est cachetée par de gros bourrelets fluides qui résultent de l’éjection du matériel lors du choc à l’origine de l’importante cavité visible sur ce silex… Mais c’est la seule fracture dans ce cas… Nombre d’entre-elles montrent un plan de rupture sub-tangents à la surface corticale. Des esquilles se sont, ainsi, « presque » formées, mais elles ont été retenues en place par la matière gluante durcie dans la seconde qui suit !


- Lithoclastes brisés (fig. 21 et 18 a et b). Ils montrent des cassures syn-formationnelles nettes, anguleuses mais dont la surface de la fracture est lisse arrondie. Aspect de la cassure comparable à celle d’un matériau visco-pâteux (tel que réglisse, résine ou gomme) (fig. 20).

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Figure 21. – Aspects des lithoclastes (barres blanches = 10 mm).

A – Grand lithoclate plat rugueux (brisé lors de l’étude de l’échantillon), légèrement déformé qui montre une large rainure latérale et une surface de rupture lisse. B – Deux petits lithoclastes. L’un montre un petit ménisque, l’autre une belle figure d’enfoncement dans la pâte molle (à l’origine) du nodule. C – Surface de upture lisse traduisant le comportement visco-pâteux d’un petit lithoclaste. D – Idem à C. E – Surface de rupture du lithoclaste à ménisque torsadé (comportement d’une pâte compârable à de la résine ou du réglisse). F – Surface de fracture d’un petit lithoclaste. G – Fragment lithoclastique. H – Petit lithoclaste enfoncé dans la masse noduleuse. Sa surface est granuleuse. Son aspect courbe et creux laisse penser qu’il s’agit d’un petit fragment de terrier d’annélide...

.........

 

 

5 - DEDUCTIONS ET IMPLICATIONS.

 

Les multiples indices de fluidité montrent que le silex boudiné h-20 89-1 ne résulte pas d’une concentration progressive de la silice s’étant réalisée au sein du sédiment et sur une longue durée comme il est  admis aujourd’hui pour expliquer la formation des silex (F. Fröhlich, 1981, K. Anderskouv, T. Damholt, F. Surlyk. 2007, B. Hoyez, 2009)

 

Quatre éléments déduits de l’examen de ce silex contredisent cette hypothèse :

 

1 –Le silex prend son origine dans la présence d'un nodule mou contemporain au dépôt des boues à coccolites qui constitueront la craie.

2 – Ce nodule n’était pas constitué d’un matériau homogène du point de vue physique. Nos observations suggèrent une grande fluidité au cœur du nodule mou circonscrit par une partie superficielle très visqueuse et collante.

3 – La préservation des structures molles, des éraflures, griffures et autres figures d’éjection du matériau mou implique sans conteste possible que le nodule s’est figé quasiment instantanément. Aucun accroissement du volume du silex ne s’est réalisé ultérieurement à cet évènement soudain…

4 - Aucune polarité n’est déductible à partir des figures d’abrasion, des étirements et autres griffures…Tous les déplacements de grain, les figures de frottement se sont faites sans ordre, dans des directions différentes. Ces figures indiquent donc des mouvements chaotiques. Le nodule mou a été soumis à une dynamique puissante qui l’a déplacé sur le substrat. La masse pâteuse a emballée des bioclastes et des fragments plus ou moins durcis. Ces conditions de dynamique forte sont à lier au phénomène de pétrification instantanée du nodule mou.

Quelle a été la cause de ces mouvements désordonnés ? Il ne peut s’agir d’un glissement en masse : les figures n’indiquent pas une contrainte unidirectionnelle. La cause tectonique semble donc à écarter (un soubresaut tectonique se traduit aussi par des figures globalement unidirectionnelles, y compris au niveau du vortex distal). Ce désordre ne peut être dû à l’action des courants (toujours pour les mêmes raisons : les courants étant contrôlés par l’orientation des reliefs sous-marins). Une dernière explication me paraît, in fine, la plus vraisemblable : figures en croissant, flûtes, cannelures (groove cast), en chevron, de choc, de rebond, de saut et de roulement sans organisation directionnelle me semblent liées aux remous causés par les tempêtes. Cette hypothèse est soutenue par les données de la paléontologie. Les bryozoaires nombreux, la présence de scléractiniaires et peut-être même de mélobésiées trouvés dans la craie à bryozoaires (j’en donnerai peut-être une description sédimentologique et paléontologique détaillée) indiquent une mer peu profonde (en tous cas bien moins profonde que celle de la craie campanienne à silex cornus...). La tranche d’eau susceptible d’être affectée par les remous liés à l’action des ouragans, tornades, typhons ou hurricanes ne peut guère excéder 25 m.

 

......

 

 

Ces résultats ne reposent, pour l’instant, que sur l’étude d’un seul échantillon… Alors peut-on, doit-on, faire d'un cas isolé une généralité?

Evidemment non....

Dans mes prochains articles je ferai la description en lame mince d'un silex boudiné... Puis je reviendrai sur les silex boudinés en les comparant aux silex cornus de Vigny... Je terminerai sur une partie plus théorique faisant appel à la chimie et aux nouvelles données de la physique.

 

 

A SUIVRE !

 

Ceratisepia@hotmail.fr

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